mardi 3 octobre 2017

MES GARES REVISITEES 2 ENTRE 2015 ET 2017



 
 

Natanoucha et Ianoucha

 

Nous volerons les étoiles de mai

A l’aube du clair soleil

Et nous danserons avec elles

Habillées de jour

Nous irons dans les vastes plaines

Faites de silence et de rosée

Et nous les séduirons.   

 

                                Aubervilliers 4juillet 1988

 


 
 
 
MES GARES REVISITEES  2
                      M.O.R
                 2015 – 2017.

Photos de Ian-Elfinn Rosiu


XI) Le marché du soir

C’était l’heure des lumières, sous le métro.
Celui qui tout du long fait le pont,
De Nation à Etoile, avec ses parenthèses 
En tunnels sombres et assourdissants.
Le carrefour se peuplait de petites mains,   
Que venaient enrôler, à la criée,
Des bazards inventés sur la chaussée,
Faits de tables en trépieds et de parapluies 
Déversés, à la hâte, de camions fatigués,
Aussi enfumants que bruyants.
C’était en fin de journée, toute saison,
Dans l’attente des premières vagues 
De sueurs humaines confuses
Débarquées de rames engorgées.
Trois heures pleines, sans cesse,
D’un marchandage de tout et de rien,
Où l’étrangeté des mots, d’ici et d’ailleurs,
Tissait des inimitiés d’un autre temps.
C’était aussi cette alchimie de ce qui vit,
Des possibles invraisemblables,
Entre visages retrouvés, d’un passé éteint,
Au détour d’un curieux échange
Dans une langue, soudaine, reconnue.
Une langue des yeux et des larmes
Que venaient interrompre, parfois,
Des alertes de dix ans à l’oeil vif,
Devant les communaux, pompes à eaux,
Aux habitudes sévèrement acquises,
Pour ne rien laisser des lieux,
Ce qui put froisser les apparences.



Bis




Ne rien laisser de ce qui a été
Est-ce cela l’avenir ?.






 


XII)     La vérité si dure !   

                                         (version  française et russe définitive 23.8.21)

                         


Que pouvait être l’espérance

A la fin des années quarante

Qui se baladait de swing en foxtrot

Sur les ondes reconquises

Et dans les cabarets rive gauche,

Rythmant les jours nouveaux

Sur fond de purgatoire nauséeux

Et de rédemption salvatrice.

La fin des années quarante

Furent des années de discrétion,

Pour le repentir et l’expiation,

Et tout autant des années de rancœur

Par tant de certitudes anéanties.

D’un uniforme à l’autre,

Les mêmes foules pour d’autres mots,

Se prêtaient jusqu'à l'innocence

Au mirage d'une liberté convenue

Laissant libre cours silencieux

Au jeu pervers des intrigues,

Des retournements et des ralliements

Les seuls, en abjection, inexpugnables

Sur des restes sans triomphe

D’une autre occupation déjouée

Et enterrée à la hâte sans drapeau. 

Quant à la libération, que fut elle 

Dans les bordels normands,

Parmi les ruines et les cadavres,

Hors négritude, que des blancs

Pour les passes alimentaires.

La monnaie de singe avait cours.

Tout était négociable,

D’une répugnance à fuir,

Jusqu’à la collaboration

Convertie à la Résistance. 

Il fallait rattraper l’histoire

Et la rendre honorable

En bonne conscience

Pour ne rien confesser

D’une vérité trop criante,

Quand la gloire pour l’Un

S’évaluait odieusement en profit,

Et pour l’Autre en sacrifice,

Jusqu’à la démesure.

L’Armée Rouge s’est arrêtée sur l’Elbe,

Que n’est-elle allée jusqu’à Brest !...

 

 

                                 Version définitive le 23 août 2021

 

 На что мы можем надеяться

В конце сороковых годов

Кто скитался от качели к фокстроту

На волнах восстановленных

А в левом кабаре,

Отмечание новых дней

На фоне тошнотворного чистилища

И о спасении искупления.

Конец сороковых

Были годы свободы действий,

Для покаяния и искупления,

И столько же лет недовольства

Несомненно, так много разрушено.

От одной униформы к другой,

Те же толпы для других слов,

Оправдывали себя

К миражу согласованной свободы

Уступая место молчанию

К извращенной игре интриг,

Поворотные точки и митинги

Единственные, в унижении, неприступные

На останках без триумфа

Еще одной сорванной оккупации,

И поспешно похоронен без флага.

Что касается освобождения, что это было

В нормандских борделях,

Среди руин и трупов,

Из негритянства, только белые

На пропуск на еду.

Обезьянья монета была в ходу.

Все было предметом переговоров,

С нежеланием бежать,

До сотрудничества

Обращен в Сопротивление.

Мы должны были наверстать упущенное

И сделать это достойно

С чистой совестью

Ни в чем не признаваться

Из слишком вопиющей истины,

Когда слава Единому

Ценили себя отвратительно в прибыли,

И за Другого в жертву,

До предела, до крайности.

Красная Армия остановилась на Эльбе,

Что она ходила в Брест...

 

Bis

 
Что никогда не было сказано 

Чего никогда не было написано

После лжи! 


Bis

Que n’a-t-on jamais dit
Que n’a-t-on jamais écrit
Après le mensonge!.










XIII)  Marguerite


Que n’êtes vous restée au soleil ?
Vous qui marchiez à son insu,
Osant votre ossature de bossue,
Que vous affichiez dos rond,
Jusqu’à l’affront pour les bigots,
En grandes pompes, le dimanche,
Etait un outrage et plus encore une offense.
Sur la croix  dans la rigueur de son silence,
Le supplicié est bien droit,
Juste une légère génuflexion,
Et le torse avec une plaie bien tracée,
Portée par des bras relâchés.
Rien d’autre en superflu,
Si ce n’est cette curieuse érection,
Au bas ventre, qui fait question.
Que n’êtes vous restée au soleil,
Pour ne voir des autres que l’ombre ?.




Bis

Marguerite, je vous évoque
De vous je ne connais
Qu’un regard lumineux .





 

XIV)   L’école des années 50   (révision 29 Août 2021)       1

 

 

La classe tenait du théâtre sans rideau

avec sa scène en estrade étroite

Et son parterre de tables rangées

Que nous occupions bras croisés

Sans le soupçon d’un geste, d’un bruit.

Après la comédie des compositions,

Les premiers devant le tableau

Et les derniers près de la porte

Semblaient ignorer les autres.

Ceux de l’entre deux, chahutés,

Se dévisageant, la rage au coeur.

La maitresse,  le regard vif et malicieux,

Affichant un cynisme résiduel éculé,

Se plaisait à cette mise en scène

Très à l’honneur sous la francisque

Et qui satisfaisait les mères honorables,

Mais où guignol aurait pu pleurer.

L’éloquence marchait, blouse grise,

Et bottines cirées,  entre les allées étroites.

D’allure, elle ne l’avait que par une poitrine

En corbeille à double rondeur volumineuse.

Le reste était à l’avenant, sans surprise

Si ce n’était ce visage finement pommadé

Et un boitement léger de la jambe gauche

Parodié sans subtilité par quelques uns.

Près de ma table, elle me regardait

Plus du doigt, raide, que des yeux,

Et évoquait curieusement mes frères,

Ces crève la faim d’hier, de la guerre

Et qu’elle feignait d'ignorer.

Elle prononçait , amusée, mon nom

En appuyant sur la syllabe dure.

Ce put-il qu’elle fut ce qu’elle paraissait ?

Je ne lisais ni Jules Verne, ni Victor Hugo.

Et j’étais effrayé par les livres des Dumas

Qu’elle se plaisait à exhiber, rayonnante

En osant la lecture que nous reprenions

En choeur, tantôt braillards tantôt bourdonnants.

Cette femme me faisait regretter qu’elle le fut. 

Un jour de rédaction, elle était si inspirée,                        2

Qu’elle se mit à lire mon travail

Eveillant, de tous, un fou rire terrifiant.

Dans le fond de mon sac, tout en usure,

Elle aurait pu y trouver mes premiers opus

Et aussi lumineux qu’une étoile du soir

Un feuillet des Roses de Saadi de Marcelline
  
Paris 1971.  Révisé 22.10.22 

Il y avait aussi, depuis au moins deux  générations, Le Faust de Goethe dans une édition carnet de 1881. Il est toujours dans le tiroir gauche de ma table et porte toujours mes surlignes. Je ne m’en suis jamais séparé. Actuellement, dans le même format, le carnet “Vingt poèmes d’amour de Néruda” l’a rejoint. Quant au texte de Saadi,  il s’agit d’une copie manuscrite de ma Mère aujourd’hui perdue.

 

Cette " institutrice" a existé. Sa réputation pétainiste   était bien établie. L’épuration qui n’a jamais abouti et dont nous vivons encore de nos jours les conséquences, a pu l’épargner au bénéfice du doute très en vigueur..

La rumeur a circulé à la fin des années cinquante qu’elle avait été révoquée avec bannissement.

Quel âge pouvait-elle avoir en classe ? Elle m’a paru  d’une autre époque. !        

 

Bis

 

 

L’école est toujours en devenir

Elle ne sait rien de ce qu’elle devrait être

Puisqu’elle ne sait ce qu’elle est !

 

L’école un fantasme pour les uns

Une affliction pour les autres

Mais pour tous une illusion !

 

  

De pédagogues en  démagogues

L’école reste toujours sans avenir ! 

 

La question de l'école

Pour cette société

Tient de la versatilité  et de l'asservissement.

Elle n'a jamais été favorable à l'intelligible.

 

 

Elle ne s’adapte pas elle s’instrumentalise et se manipule. En clair elle peut entrer en ludothèque et prétendre à des jeux vidéo sophistiqués.

Ivan Illitch évoquait la  séparation de l'école et de l'Etat. Il importe de savoir de quel type d'Etat il s'agit et de ne rien ignorer des substituts potentiels- la privatisation par exemple-porteurs d'aspirations aussi bien définies que mal-versées.

Tout se vend et tout s'achète. Saint Stanislas a un prix magnifiquement carrossé quant aux humanités, elles sont ce qu'elles doivent être entre les pr!ères.

Quant à Rabelais,  nous ne pouvons que supposer qu'il convient d'un homme aux désirs d'accomplissement de la convivialité dans toutes ses dimensions sociales et culturelles.

Qu'en est-il du tribalisme et de sa définition sociale et culturelle et plus encore de son établissement ?

 

Comment admettre la "milliardisation" d'une société ? Elle  devient protestataire par défaut et participe activement à son dépérissement. (prestation et protestation, curieux attelage)


 

 

 

  

  

 




XV)   Les amants        (2eme version)

Loin de penser ce qu’ils étaient,
L’un et l’autre, l’un pour l’autre,
Toujours dans le retrait ombragé
D’une lucarne, en arrière cour,
A la clarté hasardeuse.
Ils étaient de ces retours fortuits,
En demeure de repli, là, ailleurs
Toujours nulle part, silencieux.
L’après guerre soulignait en vif
Les vides, les aller simples.
Et la mort elle-même, sans nuance ! 
Ils tenaient de la vie, presque vaincue,
Que l’extrême de la nécessité.            
Elle paraissait d’une vingtaine d’années
Et une jeunesse d’une fraîcheur assombrie
Lui, mutilé, la trentaine passée.
Ils vivaient ensemble en sous-sol
Où le désarroi amer de l’un
Affrontait l'attente de l’autre.
L’alcool avait miné la raison de cet homme
Qui ne voyait ni n’entendait
De cet appel l’écho, en rivage, si proche.
Parfois quelque effroi jusqu’au vertige
Et des mots hallucinés en dérive.`
Elle savait ne plus se justifier
Et en avait fini avec l’indifférence
Des convenances pour ne rien dire de vrai
Qui puisse sur le faux faire la lumière. 
L’intelligible avait cessé d’exister.
Elle ne sut jamais de sa fuite l’abandon
Et quand elle partit ce fut par oubli
De ce qui put lui ressembler.
Aux dires de quelques uns elle vivrait encore
Parmi les siens ou d’autres
En quelque part d’un reste de vie
Où le soleil ignore les murs !



Bis

Le présent, quel présent
Quand il n’y a plus que le passé
Pour effacer l’avenir.

Qu’il ouvre les yeux
Et le soleil imbu de lumière
Nous envahissait.







XVI)     Les oubliés


Il y avait le douze de la rue, bourgeois
Et le quatorze, très ville basse.
Entre les deux, un mur en pierres brutes.
Nous n’approchions nos voisins
Qu’avec prudence, pour ne pas les troubler.
Notre retour, si improbable, fut un désastre
Que convertissaient des mots équivoques
Et des attitudes affreusement convenues.
Nous étions la mauvaise impromptue
Des yeux d’enfants dans le sommeil
Et personne pour nous  accueillir.




Bis

La lumière du soleil
Sur l’une des portes
Faisait ironiquement
De l’ombre à toutes 
Les autres !






XVII)    Le limonaire.


Entre le courage et la fidélité,
Il n’y avait que la rue à traverser.
Chaque dimanche, à même le trottoir,
Il dressait le panneau d’un limonaire
Sur roue et bretelles argentées.
C’était dire la fortune du personnage,
Dont les yeux avaient souffert.
Il reconnaissait ses partitions
Au simple touché du carton
Rangées dans un sac de cuir.
Il s’arrêtait en face de la maison,
Là où le courant d’air
Soufflait violemment de la cour.
Nous nous amassions, tel un essaim,
Autour de la machine à musique
Qui donnait dans la rengaine plébéienne
Des airs d’hier, du Front Populaire.
Il savait des enfants l’écoute
Qui timidement transgressaient la magie,
Et s’arrogeait le droit à la leçon,
Nous donnant à voir l’origine du son,
Jusqu’à intéresser le balayeur
Avec son curieux chapeau à plume.
Je savais l’appel du bateau lunaire,
Son orphéon et sa lyre,
Et je ne suis pas parti !




Bis


Du rouleau la musique
L’oiseau est hors sa cage
Il chante.






XVIII)    Paris sur rail


Le  métro à Paris, c’est toute une histoire
Qui se joue de la Seine.
Tantôt dessous, tantôt dessus,
Dans l’indifférence des flux et reflux,
De ceux qui montent et qui descendent,
Qui marchent et qui courent.
De ceux, qui ne savent du temps,
Que celui qui roule, et qui lasse,
Entre deux  stations, où se déclinent,
Matin et soir, des sourires imaginés.




Bis

Qui sont ces passagers
Dans ces trains
Sur des rails de solitude ?





 

XIX)   La gardienne.

  

Elle jetait l’eau dans l’unique réservoir

Qui se trouvait sous l’escalier,

Et abandonnait l’affreux bassinet

Dont l’émail avait perdu toute référence.

Elle pouvait l’avoir emprunté au dispensaire.

Le social et la santé se rétablissaient

Dans des endroits aussi singuliers

Que sévères sans jamais s’offrir du neuf.

Chaque matin, en toute saison,

Elle agissait de même, aussi braque.

Elle était un regard de toutes les perfidies,

Une coiffe en chignon contracté,

Et un visage en lame de couteau.

C’était la concierge, celle-là même

Qui accompagna de ses insultes,

Dans la chaleur humide de juillet,

La vermine ainsi dénommée 

Que des carcasses d’autobus

Convoyaient jusqu’au Vel d’Hiv. 

C’était en  juillet quarante deux.

On ne juge que les complices de crime

Mais de crime, il n’y en eut point,

Si ce n’est le vol supposé d’un bassinet

Au dispensaire du quartier !

 

Bis

 

La misère était en suffisance

Et plus que la fuir

Elle la nourrissait !

 


Bis


La mort à sa rhétorique
Et tout autant son esthétique
Mais qui s'en souci ?

 
 
XX)  Le Juste.

Un mur terrassé, des briques éparses,
Des moignons de poutres affaissées,
Et des lambeaux de rideaux dans le vent.
Plus rien, plus rien de ce qui a été n’est plus.
Une terre sablonneuse tapisse les lieux
Et s’attarde jusque sur le trottoir.
C’était la maison du dernier espoir.
Toit parmi les toits dans la noirceur
Des nuits sans sommeil,
Quand rôdait l’oeil sombre des délateurs.
C’était la maison de l’ultime passage,
Sans arrière cour, d’une porte à l’autre,
Qui débouchait, discrète sur l’avenue.
La vie avait une odeur acre de charbon
Que négociait le passeur de l’aube,
Sac sur la tête et tombereau ouvert.
Le destin avait un visage farouche
Et une voix rude de fond de gorge,
Qui effrayait toutes les innocences,
Oublieuses de la tragédie qui se jouait.
Quant à la libération; elle s’accomplit festive
Dans l’artificieux et l’invraisemblable.
Mais qui put, dans l’ivresse, s’en soucier 
Porté par les hymnes et les drapeaux,
Les fanfares et les accordéons.
La maison du charbonnier resta close,
La porte masquée de fleurs fanées.
La rue s’éveilla, à son ordinaire,
Sans émoi, dans l’indifférence.
L’oubli déjà était à son oeuvre,
Dans l’apparence d’une vie retrouvée,
Sans honte presque sans histoire,
Celle toujours osée, jusqu’à l’indécence. !




Bis

De si en si l’espoir s’épuise
Et les issues n’en sont plus !











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